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L’Asie a, de longue date, nourri l’imaginaire des artistes occidentaux et, le Japonisme de la fin du XIXe siècle en représente sans doute l’apogée. Japonisme, parfois de pacotille, se focalisant sur le caractère pittoresque du costume et la sensualité féminine. Mais alors que les peintres comme Claude Monet ou James Tissot peignaient de séduisantes occidentales, parées telles des geishas, dans un décor d’éventails et de paravents, Philippe Dié emprunte le chemin inverse. Les figures féminines, leur mystère et le fantasme qu’elles représentent, restent le sujet central de l’oeuvre mais, il peint des femmes asiatiques. Ces silhouettes drapées dans leur kimono telles des idoles, et dont le regard nous fuit, surgissent furtivement dans nos vies occidentales et contemporaines. Ces apparitions dans des lieux inattendus, la cathédrale de Strasbourg, l’ancien Palais du Kaiser ou l’atelier de l’artiste, renforcent ce sentiment d’une impénétrable beauté, et l’intemporalité du costume ajoute encore au mystère. Une geisha a-t-elle véritablement observé Strasbourg depuis les galeries supérieures de la cathédrale comme le voyageur de Friedrich devant une mer de nuage ?
Dans le roman qu’écrit Philippe Dié au fil des années, on s’interroge sur l’identité et l’essence de celle qu’il poursuit dans des endroits qui lui sont proches. Est-elle toujours la même, cette femme qui se dessine sous la vivacité de sa touche ? Ou est-ce chaque fois une autre ? Se tenant à distance, comme protégée dans l’ombre de shōji, elle garde ce silence qui fait la force poétique de la peinture de Philippe Dié.
Anne Vuillemard-Jenn
Historienne de l’art